O.R.G.
C’est par antonomase que le mot « limonaire » est utilisé comme nom générique pour l’ensemble des orgues mécaniques. À la différence des orgues de Barbarie à manivelle plus petits et aux basses limitées, leur envergure est importante, ils sont installés indépendamment ou équipent le centre des manèges-carrousels de chevaux de bois.
Ils sont majoritairement en Belgique, Hollande ou Allemagne, les valses égrenées pouvant rappeler les pales tournantes des moulins… Leur tessiture couvre de plusieurs octaves dont les basses, avec parfois plusieurs registres de sonorités et ils sont munis d’instruments de percussions, telles que xylophones, cymbales et tambours, actionnées par des automates via les perforations du carton. La soufflerie et l’entraînement des cartons perforés sont obtenus par un moteur électrique, autrefois à vapeur, à l’inverse des orgues de Barbarie actionnés par une manivelle. Leur structure est en bois joliment décorée d’arabesques, fresques et enluminures d’époque.
Comme à chaque fois lorsque nous travaillons avec un instrument issu d’une culture populaire ou traditionnelle, nous essayons de transposer sa musicalité à une utilisation plus contemporaine. Un instrument traditionnel transporte avec lui les fantômes d’un passé et d’une culture. En lui permettant de produire autre chose que les musiques traditionnelles auxquelles il est normalement dévolu, l’instrument semble changer de statut. En quelque sorte nous agissons comme si nous lui donnions la parole, pour lui faire produire quelque chose de plus brut le personnifiant quelque peu. Un des axes d’exploration que nous souhaiterions mener avec les orgues, serait de réaliser un travail musical proche de la transe ou des musiques répétitives. Il s’agirait de créer visuellement une sorte de jusqu’au boutisme de la machine, une frénésie entrainante et en quelque sorte inhumaine. L’un des avantages de la musique mécanique ou produite par ordinateur se situe dans le fait de pouvoir jouer sur des vitesses ou des constantes non réalisable par des humains.
Nous souhaiterions également travailler à contrario de l’idée précédente sur l’organicité de la machine, c’est à dire sur les imperfections, les accidents, sur les sonorités en marge qu’elle peut produire. Pour le coup il s’agirait dans ce cas là d’essayer d’humaniser la mécanique, de la personnifier par ses faiblesses et ses approximations. En quelque sorte il s’agirait ici de penser cette partie de la partition dans un esprit plus proche des musiques concrètes faite de matière sonore.
Ce travail de composition s’inscrira dans un travail dramaturgique autour des orgues. Plus qu’une simple composition ou un concert, il s’agit ici en quelque sorte de raconter une histoire musicale autour d’un instrument dont l’unique protagoniste est également le narrateur.
Creation 2019
Conception et création : Nicolas Devos & Pénélope Michel
Coréalisation : Le Vivat, Scène conventionnée d’Armentières et le Bateau Feu, Scène Nationale de Dunkerque